“La reconstruction des maisons individuelles touchées par le séisme d’Avril 2015 de la région de Sindhuli prendra plus d’un siècle”
Au rythme actuel, chaque maçon qualifié devrait reconstruire plusieurs dizaines
de maison par an. Quand il a reçu sa première dotation pour la reconstruction de
sa maison en septembre 2016, Jhamka Bahadur Thapa avait l’intention
d’emménager dans sa nouvelle maison avant l’arrivée de l’hiver. Lui, sa femme et
sa fille de 4 ans vivent toujours dans des abris de fortune de taule ondulée depuis
le tremblement de terre d’avril 2015. Sa fille attrape fréquemment des rhumes,
situation aggravée par l’humidité qui suinte de partout et imprègne toutes leurs
effets personnels. Bien que THAPA ait déjà entassé du bois et des pierres et prit
un emprunt à taux d’intérêt exorbitant, il n’a pas pu commencer la reconstruction
à l’automne et ne peux toujours pas aujourd’hui. Pourquoi ? Car aucun maçon
qualifié dans la construction de bâtiments antisismiques, n’est disponible.
Comme lui, pratiquement toutes les 34 256 familles du district de Sindhuli dont
les maisons ont été détruites par le tremblement de terre veulent commencer la
reconstruction. Mais elles aussi attendent des maçons et des ouvriers qualifiés.
Certaines familles ont perdu espoir et ont commencé la reconstruction avec de
simples murs en brique même si cela signifie que leurs nouvelles maisons ne
seront pas antisismique et présenteront donc des risques. Au 25 décembre
dernier, 150 maçons qualifiés travaillaient dans le district de Sindhuli. Selon eux, il
faut une équipe de 4 maçons pour reconstruire une maison et chacune de ces
équipes ne peut construire que 3 à 7 maisons par an. A ce rythme la
reconstruction des 34 256 maisons du district prendra au moins 130 ans.
Parmi les 14 districts qui ont été touchés par le tremblement de terre, c’est au
Sindhuli que la reconstruction de maisons individuelles prendra le plus de temps
mais ce district n’est pas le seul à faire face à cette pénurie de maçons qualifiés :
« Plus de 1100 familles dans le seul village de Sindhukot veulent reconstruire leur
maison aujourd’hui. Mais à peine 50 maçons sont disponibles » dit Mr Sigdel, un
élu du Congrès de la municipalité de Melamchi. De même, construire des maisons
antisismiques prendra plus d’un siècle dans la vallée de Katmandou qui ne dispose
que 243 maçons qualifiés pour reconstruire 42 500 maisons endommagées. Faites
le calcul : avec la main d’œuvre disponible, on ne peut reconstruire que 423
maison par an à Katmandou.
L’administration qui reconnaît l’urgence de programmes de formation pour les
maçons déclare qu’elle n’a pas mit suffisamment d’argent de côté pour les
financer. 47 ONG locales et internationales ont organisés de telles formations :
Depuis Janvier 2016 , 25 393 maçons ont été formés selon les dernières
statistiques.
A Sindhouli par exemple, 150 maçons ont suivi cette formation pour reconstruire
les 34 256 maisons détruites du secteur tandis qu’à Sindhupalchowk ils sont 5197
pour reconstruire 78 537 maisons. Ainsi Sindhupalchowk à la frontière du Tibet, a
formé 34 fois plus de maçons que Sindhouli pour ne construire que 2 fois plus de
maisons.
Pendant ce temps, le gouvernement s’était fixé comme objectif de reconstruire
les foyers des victimes du tremblement de terre en 5 ans. Les mois suivant la
catastrophe, le gouvernement a initialement décidé qu’il serait alloué 200 000
Roupies (2000 €) en trois versements à tout résident des 14 districts dont la
maison fut détruite. Puis il a été décidé que le montant serait augmenté à 300 000
Roupies en septembre 2016, Les premiers versements ont commencé en 2016 et
continuent à un rythme irrégulier.
Selon les experts, la dotation du gouvernement était une incitation à la
reconstruction de maisons plus sûres. Si les gens engagent des maçons non
qualifiés, non seulement leurs maisons seront moins résistantes aux séismes mais
ils perdent en plus leur droit aux deux versements suivants.
Thapa se doutait bien que le gouvernement tarderait à distribuer les deuxième et
troisième versements. Ayant reçu la première dotation, il a donc emprunté 50
000 Roupies supplémentaires chez un prêteur local pour commencer rapidement
la reconstruire. Il paye 24 % d’intérêt sur ce prêt, ce qui représente plus du
double que le taux du marché des banques commerciales. Mais à ce jour, il n’a
toujours aucune idée de quand il va pouvoir recruter de la main d’œuvre pour
commencer la reconstruction de sa maison et lui et sa famille vont continuer à
vivre dans leur abri précaire et insalubre en attendant…
(Traduit et librement adapté d’un article paru dans le quotidien Repùblica du
mercredi 1/02/2017)
Jerome Edou